Le souffle du dragon

4 Septembre 2010

Mayhem - Chimera (2004)

Mes amis, mes amis. Pas de panique. Vous êtes en de bonnes mains. Je suis Mayhem et je suis le mal. Que peut-il donc vous arriver de pire ? Je suis l'entité qui a dévoré ses enfants. J'ai écarté Manheim, Attila et Maniac pour leur préférer Dead, qui a fini comme il était prévisible : il s'est suicidé une après-midi de déprime particulièrement appuyée. Il a donc fallu faire revenir Attila. Puis Maniac. Puis Attila. Parce qu'en plus d'attirer le drame, je ne sais pas choisir. C'est encore meilleur, vous ne trouvez pas, le goût âpre de l'indécision... Mais je vais trop vite. J'abandonnais déjà Dead, mon enfant chéri, que je ne pouvais pas laisser partir ainsi. C'est donc mon guitariste, Euronymous, qui a retrouvé Dead dead, si j'ose dire. Il a pris le cadavre en photo et s'en est servi pour la promo d'un live capturé, je ne sais plus, quelque part en Norvège, autant dire à la maison, quoi. Ah, vous pensez bien que je ne pouvais pas laisser Euronymous s'en tirer comme ça. C'est mon préféré, Euronymous. Il a donc bien fallu que je lui organise une fin dantesque, là, sous les coups de couteau de Grishnak, c'est à dire Christian, oups, pardon Christ, euh, Varg, je sens que je vais t'énerver, là. Bref, Vikkernes, s'est pris vingt ans de taule et, tiens, il vient de sortir, c'est vrai, ça fait vingt ans, comme le temps passe. Ah, ça lui apprendra à celui-là de venir faire le bassiste de session dans mes rangs au lieu de rester tranquille au royaume du Burzum. Tout a un prix. Tout se paye. Entre Vikkernes et Euronymous, jalousie, paranoïa...

Je suis Mayhem et je suis le mal. Vous pouvez vérifier, tout est vrai, tout est documenté, il y a même les archives judiciaires pour ceux qui aiment ça.

Là où j'avoue que je me suis laissé dépasser, c'est quand Axel a repris les rênes. Je ne l'attendais pas celui-là. Axel Von Blomberg. Hellhammer. Un batteur comme il n'y en a qu'un par génération. Je le pensais vivant dans l'ombre des autres, dépensant son immense talent pour rien d'autre que moi qui suis le Vide, le Rien, je suis Mayhem et je suis le mal.

J'avoue, je n'ai rien vu venir. Il a commencé par rappeler le bassiste, Necrobutcher, bonjour les poètes, ah, je vous avais prévenu. Puis Maniac. Et il confié tout le boulot de composition à un nouveau venu, un guitariste, Blasphemer et je dois dire qu'il s'en sort bien, le garçon. Un mini album, Wolf's Lair Abyss et puis une Grand Declaration Of War en forme de gros bras d'honneur à tous les puristes de la scène raw true black et puis quoi encore ?

Du coup, je les ai laissé venir, les p'tits gars. Et ils y sont venus. Avec cet album-ci, Chimera. Un monument. Le dragon scintille de toutes ses écailles. Une technique inquiétante. Un propos d'une précision époustouflante. Une ambiance étouffante. La colère, déferlante, débordante, la lave qui se déverse, le dragon s'agite, crache, crâme tout ce qu'il voit, ménage ses effets, non vous n'êtes pas son ami, le dragon n'a pas d'ami, au pire si vous résistez assez longtemps, votre défaite pourra prendre la forme d'un drame cosmique et c'est bien sur ce ton-là que chaque titre se déploie.

Jamais le black n'a été aussi beau et aussi méchant à la fois. Du coup, je laisse faire.

Venez à moi, ô public adoré, venez à moi, délectez-vous de ce venin doré, laissez vous séduire, suborner. N'ayez crainte, mes amis.

Mes amis. Pas de panique. Vous êtes en de bonnes mains.

Je suis Mayhem et je suis le mal.